« Demandons un arrêt immédiat des centrales photovoltaïques en milieux naturels »
L’Association nationale pour la biodiversité (ANB) et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) sont deux associations défendant les milieux naturels. Elles reçoivent la quasi-totalité des alertes du public sur les projets photovoltaïques. Pierrot Pantel est ingénieur écologue, chargé de mission juridique de l’ANB. La liste complète des signataires de la tribune est ici.
L’ensemble de la communauté scientifique ne cesse de tirer la sonnette d’alarme : l’effondrement de la biodiversité nous entraîne vers l’abîme, tout autant que le réchauffement climatique. Pourtant, la tendance reste irrémédiablement la même : pied au plancher vers le scénario du pire ! La COP16 biodiversité n’a pas fait exception.
En France, les mesures prises sont-elles plus adaptées qu’ailleurs ? Manifestement non, comme l’illustre le développement de centrales industrielles photovoltaïques dans des milieux naturels. La volonté gouvernementale de démultiplier la production d’énergie solaire photovoltaïque d’ici à 2050 et le choix du moindre coût (il est plus rentable de raser une forêt que d’aménager des zones déjà artificialisées, comme les toits des zones industrielles) provoquent l’essor de ces centrales construites sur des terrains naturels par de grandes entreprises, voire multinationales, telles qu’EDF Renouvelables, Engie Green, Boralex, Voltalia, etc.
Citons par exemple le projet d’EDF à Prévenchères (Lozère), pour une emprise totale au sol de 270 hectares (environ 385 terrains de foot), ou celui de Boralex et EDF à Vins-sur-Caramy (Var), sur 209 hectares.
Selon nos calculs [1], l’industrie du photovoltaïque projette, d’ici à vingt-cinq ans, de détruire plus de 150 000 hectares d’espaces naturels, avec les paysages qu’ils constituent, incluant des espaces aux intérêts écologiques avérés (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique — Znieff —, parc naturel, réserve de biosphère…), voire protégés (Natura 2000). Cela correspond environ à la surface cumulée des départements du Val-d’Oise et du Val-de-Marne.
Pourtant, comme l’explique le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) dans un document argumenté et factuel publié fin août, il n’est pas nécessaire de raser des forêts, d’artificialiser des prairies ou de détruire des zones humides pour implanter des centrales photovoltaïques.
Le potentiel des zones anthropisées (toitures industrielles et commerciales, ombrières) est largement suffisant pour satisfaire les besoins : « Plusieurs études suggèrent que l’objectif de 100 GW peut être atteint en mobilisant uniquement des espaces artificiels… Le respect de la loi Aper en matière d’équipement des parcs de stationnement devrait permettre d’installer au moins 20 GW supplémentaires. Alors que les toits comptent actuellement pour la moitié des 20 GW déjà installés en France, moins de 1 maison individuelle sur 20 est actuellement équipée. »
Pour une politique de « sobriété structurelle »
Le CNPN insiste également sur l’importance d’une « sobriété structurelle », qui vise à réduire la demande globale d’énergie et, in fine, à éviter l’utilisation d’espaces naturels. Or, dans les faits, cette dimension de la sobriété est absente de la politique du gouvernement : pas de diminution du nombre ni du poids des véhicules individuels, de développement des transports en commun, d’interdiction de la publicité pour les produits polluants, ni de conversion de l’agriculture à l’agroécologie…
Comme l’ont pourtant souligné conjointement le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), il est vital de limiter le réchauffement climatique ET de protéger la biodiversité. Cependant, face au casse du siècle — nous estimons l’enjeu financier global du photovoltaïque en France à environ 500 milliards d’euros sur les trente prochaines années —, les appétits des marchands de soleil sont féroces, et les communes qui louent leurs parcelles, pour beaucoup financièrement exsangues, des proies faciles.
Cela d’autant plus que, partout en France, ces projets industriels bénéficient d’une stupéfiante complaisance des services de l’État. Citons par exemple la condamnation du préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en mai dernier, par la cour d’appel administrative de Marseille pour une autorisation accordée fin 2020 à l’entreprise Boralex jugée illégale. Décision hélas bien tardive, puisque la centrale de Cruis est en exploitation et que la multinationale peut, en pleine réserve de biosphère, exploiter une centrale réalisée. L’administration est par ailleurs régulièrement rappelée à l’ordre par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour ses refus illégaux et répétés de transmettre aux associations les informations pourtant communicables qu’elles sollicitent.
Détruire ces habitats sauvages est suicidaire
Pour autant, il ne s’agit pas ici de s’opposer à la décarbonation, mais d’avoir une approche systémique pour que l’action pour le climat se fasse avec la préservation de la biodiversité et non contre elle.
Car le sujet est grave : les experts internationaux craignent un point de bascule imminent au niveau mondial pour les puits de carbone : « Les forêts et les sols ont seulement absorbé entre 1,5 milliard et 2,6 milliards de tonnes de CO2 en 2023, loin derrière les 9,5 milliards de 2022, notamment en raison de la sécheresse en Amazonie et du fait des incendies au Canada et en Sibérie », est-il précisé dans l’article du Monde de juillet dernier.
Déjà, en juin 2023, l’Académie des sciences nous alertait sur le fait que les forêts françaises ont perdu en dix ans 50 % de leur capacité à capter le dioxyde de carbone, et l’Inventaire forestier national 2024 s’alarme d’un doublement de la mortalité des arbres en dix ans sur le sol français. Le manque d’égard envers les milieux naturels, et les espèces qui y vivent, accélère donc le péril. Étude après étude, la cause principale de cet effondrement est toujours parfaitement identifiée : la destruction méthodique et à échelle industrielle des habitats de la vie sauvage.
En dépit de cette accélération funeste cyniquement ignorée des industriels de ce secteur, il est aussi urgent que vital de refuser que leur soit livré ce patrimoine commun. En effet, prétendre répondre au défi climatique en accélérant l’extinction massive d’une biodiversité déjà à genoux est la promesse d’un suicide collectif, car la biodiversité, c’est à la fois l’alimentation (que ferions-nous sans insectes pollinisateurs ?), des sols vivants (qui retiennent l’eau), des puits de carbone essentiels dans la lutte contre l’intensification du changement climatique, etc.
Nous, signataires de cette tribune, soucieux de la préservation stricte et impérieuse de la biodiversité, mais également conscients des enjeux liés à la décarbonation, demandons un arrêt immédiat du déploiement des centrales industrielles photovoltaïques en milieux naturels.
Désireux de porter ce débat au Parlement, l’Association nationale pour la biodiversité (ANB) et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) ont déposé une pétition sur le site de l’Assemblée nationale. Nous invitons toutes et tous à la signer car nous visons, comme pour l’A69, la création d’une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur une orientation politique alarmante, à contre-courant du consensus scientifique.
Principaux signataires de la tribune :
Scientifiques :
Céline Baurreau, jardinière botaniste
Nicole Brunel-Michac, ingénieure d’étude en écologie
Élise Buisson, docteure en écologie, maître de conférences
Mathilde Capelli, docteure en agronomie, ingénieure d’étude
Julie Chêne, responsable scientifique en réserve biologique
Wolfgang Cramer, directeur de recherche au CNRS
Aure Durbecq, chercheure en biologie-environnement-écologie
🌞💧 Photovoltaïque : couvrir le canal Philippe-Lamour, une alternative vertueuse aux projets en garrigue ✅ Introduction La transition énergétique est une nécessité.Mais faut-il pour autant sacrifier nos forêts méditerranéennes pour...
🌿🎬 « Le Chant du Montrodier » — Le film de la colline qui parle au vent.
🌿🎬 « Le Chant du Montrodier » — Le film de la colline qui parle au vent. 🌿 Au cœur du Montrodier, là où la garrigue respire encore librement… Revivez...
🌿 Balade & Pique-nique sur le Montrodier Pour sa seconde édition: En famille ou entre amis, venez nombreux participer à notre grande balade pique-nique sur le Montrodier ! 🔎 Découvrez à travers plusieurs...
Incendies recensés dans des centrales et installations photovoltaïques
Ces exemples, couvrant la période 2015–2025, démontrent que les incendies liés aux installations photovoltaïques ne sont ni isolés, ni théoriques. Ils concernent aussi bien les parcs au sol, les centrales...
La France contrainte de couper sa production d’électricité faute de débouchés
Face à la surproduction d’énergies renouvelables, en particulier solaire, et à la faiblesse de la consommation, le système électrique français peine à absorber l’abondance bas-carbone.Électricité gaspillée : la France coupe...
Située sur la commune de Tavel, la centrale solaire du Campey se veut à l’écart du tissu urbain et dans la continuité du poste source existant. En réalité, elle s’implante...
Plutôt qu’une “transition d’addition” qui superpose des solutions sans changer les usages, ouvrons le chapitre de la sobriété. L’enjeu n’est pas de vivre moins, mais de vivre mieux : piloter...
🔥 1. Les panneaux photovoltaïques face au feu Ils ne “brûlent” pas comme du bois, mais ils peuvent fondre, se fissurer et dégager des fumées toxiques. Voici ce que l’on...
En garrigue, chaque hectare de panneaux solaires condamne environ 6 hectares de milieux naturels pour alimenter moins de 300 foyers par an (hors chauffage électrique et 160 avec le chauffage...
🔥 Après les incendies dans l'Aude, la tentation industrielle : pourquoi la garrigue doit renaître, pas être vendue
🔥 Après le feu, la tentation industrielle : pourquoi la garrigue doit renaître, pas être vendue L’incendie qui a ravagé des 16 000 hectares dans l’Aude cet été est une...
Jean Donnet – Un regard aérien pour défendre la garrigue
Un explorateur de l’invisible Jean Donnet, formé aux humanités classiques (grec et latin) et au droit à l’Université de Louvain, est un voyageur et photographe passionné par la rencontre...
Analyse du risque incendie des centrales photovoltaïque en garrigue
Incendies et Biodiversité : les centrales photovoltaïques en garrigue Introduction Les projets de centrales photovoltaïques au sol en garrigue sont parfois présentés comme des solutions « vertes » conciliant transition...
Nous avons adressé un courrier au Préfet et mis en copie le Tribunal administratif afin de contester l’avis favorable rendu par le commissaire enquêteur. Nous demandons expressément que cet avis...
Voici une explication détaillée des enjeux liés à l’installation d’une centrale photovoltaïque en garrigue, en l’occurrence sur le site de la Garrigue de Sainte-Eulalie. Cette interview met en lumière les...